samedi 30 juillet 2016

Septembre avec impatience.

Pendant plus de dix ans
j’ai eu peur de l’été
depuis la mort de mon père
avec ma mère seule dans la grande maison
des Yvelines, 
seule tout l’été,
avec les voisins qui partaient en vacances
et Dieu sait ce qui pouvait arriver
un rôdeur, un opportuniste
assassin en puissance
au moment où le soir elle aurait fermé ses volets
et fait un tour dans le jardin
ou bien un démarcheur à la noix qui
la découvrant seule
en aurait profité pour forcer la porte
le monde ne m’a jamais inspiré confiance
seules les histoires d’amour à vrai dire
ont pu m’inspirer confiance
si mince ou si éperdue que fût cette confiance
et face à l’été, chaque jour de cet été
immense et incertain
périlleux pendant dix ans,
je craignais pour la vie de ma maman.
Aujourd’hui, débarrassé de cette peur inouïe,
irrationnelle sans doute
et que je cachais pourtant du mieux possible
respirant seulement de six heures trente à six heures quarante
le temps de lui téléphoner
même si parfois je trichais en la rappelant plus tard sous un prétexte futile
apaisement de la tricherie
l’été donc, aujourd’hui,
l’été qui se profile
ou qui se modifie
ne me fait ni chaud ni froid
reste quand même l’habitude étrange
d’attendre septembre
avec impatience.

mercredi 27 juillet 2016

La crêperie Saint-Georges.

Les yeux bleus de Juliette
de la crêperie st-georges
À Carnac
Rivalisent en beauté
Avec la voix rauque
De sa jeune et brune
collègue
Dans ces cas-là
Comment prendre une crêpe
Autrement que nature
S'il vous plaît mesdemoiselles
Sans garniture sinon
votre présence.

mercredi 20 juillet 2016

Jusqu'où ses jambes nues

Jusqu'où ses jambes nues
Courent encore
Sur quelle portée du désastre
Quel rêve apparu 
Disparu 
Et quelle nuit rejoindre ?
Les couples mal assortis
N'en ont plus pour très longtemps
Bientôt ça laissera
juste un peu d'amertume
De tendresse posthume
Et les filles seules se rassemblent
Aux terrasses des restaurants
Et tout ce qui conduit une automobile
Se croit seul au monde
Seul au monde dominant
Si tu voyais comment les gens
Se laissent dominer par leur rage
Bientôt les romans
Les poèmes
Seront les seuls endroits
Où tu te sentiras vraiment
En sécurité
Alors ravale tes larmes
Ravale ta nuit
Ravale ton cœur qui bat
Dans la cour carrée du Louvre
Dans la perspective de ces longs couloirs
Où Henri 4 chassait le renard
Où l'ombre du renard dévore la couronne des dominants
Dans ton cœur pour toujours.

mardi 5 juillet 2016

Wagner

Cette fille était spéciale,
démoniaque, colère,
une véritable furie !
- Normal ! T'as vu la plaque ?
"Richard Wagner 
vécut ici."

samedi 2 juillet 2016

La médiocrité.

Avec son compagnon, elle entre dans la rame
Une jeune parisienne jolie sans être belle
Enfin suffisamment pour mettre sur Instagram
Un coucher de soleil pour neuf photos d’elle.
Son compagnon, un grand type, joue de la guitare
Elle se met à chanter seule au milieu des gens
Récoltant pour tribut quelques maigres regards
Alors le sien devient insistant voire méchant
Non loin, deux petites vieilles sur une carte penchées
Elles se demandent encore où elles doivent bien descendre
Annonce du conducteur : la station est fermée !
- Quelle station ? » paniquent -t-elles, elles n’ont pas pu entendre
La chanteuse se croyait déjà à l’Olympia
Elle inondait la rame de ses reprises pourries
Massacrant « Amsterdam » ou essorant « Happy »,
Avant de faire la manche comme une vraie Diva
Or, au moment où elle passe pour réclamer son dû
Une des vieilles intervient : - Mademoiselle
Avec votre musique on n’a rien entendu ! »
- Comment ça ? » dit la fille jolie sans être belle,
« Vous ne voyez pas, qu'avec mon copain on est en train de travailler !?! »
Et elle se met à hurler sur les pauvres mamies
« On est en train de bosser espèces de vieux débris
Apprenez le respect ou restez dans vos lits ! »
Complètement mortifiées les deux vieilles sortent
À la station suivante toujours sous les insultes
De la jeune chanteuse peu amène ni accorte
Qui croit que son « travail » lui donne droit au tumulte
Ça me fait réfléchir cette histoire de travail :
Personne ne lui a rien demandé à cette pauvre fille
Mais c’est le lot de l’art on sort son attirail
À des gens qui vivraient très bien sans vos conneries. 
Le pire c’est que l’avenir est à ce genre de meufs
On les voit avec des contrats de disques, on les voit à la télé,
Pour des marques de fringues elles chantent dans des teufs,
J’ai même quelques exemples qui me viennent en pensées.
Promotion ordinaire pour la médiocrité
C’est triste mais après tout qu’est-ce que l’on peut y faire ?
Parfois pour réussir il est recommandé
De sa petite personne d’écraser l’univers.

vendredi 1 juillet 2016

La mélancolie de la nuit.

Depuis la mort de mes parents
je trimballe un sac US invisible
rempli de moments invisibles
lourds comme l’invisible
comme des plages jonchées de couteaux
que survole une mouette solitaire
des arbres et des moments
la cueillette des mûres le dimanche
ou quand je soulageais les deux pommiers du jardin de Marsinval
de leurs fruits à moitié bouffés par les oiseaux
les courses, les provisions pour faire plaisir,
ou quand j’habitais déjà Paris et que je rentrais à la moindre angine
comme si seule la présence de ma mère pouvait me guérir
Il y avait la mélancolie de la nuit
les filles prisonnières du palais des glaces
les débuts de romans que j’écrivais sur des carnets
tandis que le métro aérien brinquebalait dans le vent
ma mère disait que j’étais une sorte de roi
parce qu’elle constatait que ça faisait toujours plaisir
aux gens qui me connaissaient de me croiser par hasard
Dans les soirées pourtant j’oubliais ma couronne quelque part
je n’avais jamais peur de la nuit
du moment que j’avais un endroit où rentrer
une destination ou un visage en tête
aujourd’hui parfois encore me vient le réflexe
de téléphoner vers 18h30 à un numéro
qui n’existe plus
Je n’ai ni soeur ni frère avec qui retrouver un moment
et je pourrais adopter tous les mômes en pleurs
à la caisse centrale des supermarchés
pour qui l’attente de quelques minutes de trop
est une blessure éternelle
Une force irrésistible me pousse en avant
et je suis si égoïste envers les gens que j’ai perdus
si négligent
je remets toujours à demain
la douce épreuve de me pencher sur hier
et je continue à remplir
de moments invisibles
un cartable invisible
lourd comme l’invisible.

Le chat.

Le chat de la voisine du premier
n’arrête pas de miauler
j’ai juste envie de descendre et de défoncer la porte
à coups de stylo 
(je n’ai pas de hache à la maison)
Et de sauver le chat
du manque de chaleur humaine
c’est quand tu apprends que tu peux sauver des gens,
que tu deviens adulte
mais quand tu comprends que tu ne peux pas sauver tout le monde,
tu redeviens un enfant.
LIFE SUCKS, étrange, quand tu y penses.
Trop étriquée ou trop vaste,
jamais à la mesure de ce qui bat avec ton coeur,
alors tu ne peux qu’habiter des espérances
et travailler à des ajustements.
MIAOU.