Pendant plus de dix ans
j’ai eu peur de l’été
depuis la mort de mon père
avec ma mère seule dans la grande maison
des Yvelines,
seule tout l’été,
avec les voisins qui partaient en vacances
et Dieu sait ce qui pouvait arriver
un rôdeur, un opportuniste
assassin en puissance
au moment où le soir elle aurait fermé ses volets
et fait un tour dans le jardin
ou bien un démarcheur à la noix qui
la découvrant seule
en aurait profité pour forcer la porte
le monde ne m’a jamais inspiré confiance
seules les histoires d’amour à vrai dire
ont pu m’inspirer confiance
si mince ou si éperdue que fût cette confiance
et face à l’été, chaque jour de cet été
immense et incertain
périlleux pendant dix ans,
je craignais pour la vie de ma maman.
Aujourd’hui, débarrassé de cette peur inouïe,
irrationnelle sans doute
et que je cachais pourtant du mieux possible
respirant seulement de six heures trente à six heures quarante
le temps de lui téléphoner
même si parfois je trichais en la rappelant plus tard sous un prétexte futile
apaisement de la tricherie
l’été donc, aujourd’hui,
l’été qui se profile
ou qui se modifie
ne me fait ni chaud ni froid
reste quand même l’habitude étrange
d’attendre septembre
avec impatience.
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