vendredi 11 novembre 2016

Sa douleur hurle comme.

Sa douleur hurle comme un samedi soir
comme le marteau qui manque sa trajectoire
comme les fesses sur la patinoire
sa douleur hurle comme
le samedi soir
Sa douleur ne fait pas mal il faut croire
qu’elle est passée par pas mal d’histoires
elle fait juste un peu de peine à voir
pour ceux qui savent repérer
ce genre de clarté inversée
Et dans le monde ce genre d’écart
C’est comme sauter dans les flaques quand il n’y a que des flaques
C’est comme venir avec ses larmes quand il n’y a que des flaques
c’est comme dire : bois mes larmes, et après je déciderai si l’on fait l’amour ou pas
C’est comme soupçonner qu’il y aura quelque chose de frêle dans la certitude.
« I love make people feel weird » dit-elle
en allumant une énième clope
dans le vent
une bataille dont elle sort épuisée
Sa douleur hurle comme un samedi soir
et nous ne sommes que vendredi soir
ça promet !

jeudi 10 novembre 2016

L'araignée

Je viens de tuer
une araignée
et me voilà déprimé
pour la soirée
J’ai ce blues post frappe nucléaire
que connaîtra peut-être Donald
Ou ses ennemis
Ou ses compères
L’âme de l’araignée
vient me chatouiller
et me traite d’assassin
de petite frappe (nucléaire)
et en même temps
Son corps d’araignée
avait l’air mal en point
Plus rabougri qu’il y a dix jours
quand je l’avais laissée filer
C’est le cas de le dire
Pour une araignée
Oui, je l’avais laissée filer,
alors qu’elle s’était fixée
sur le bras du fauteuil où je me trouvais
(avant de la voir
avant de bondir au plafond)
Là je lisais un poème de Bukowski
sur le canapé
et la voilà qui revient à nouveau
elle voudrait se lancer dans l'imitation de chats ou quoi ?
ou elle est frappée d’alzheimer ?
ou elle veut toujours lire le livre que je lis
exprès pour m’embêter ?
C’est une araignée qui aime bien être dans mes pattes
alors qu’elle en a plus que moi
Je lui ai rappelé que l’existence est brève
pour tout le monde
surtout pour les insectes qui me dérangent
quand je lis un poème
en ce moment j’écris
et le téléphone sonne
heureusement que je n’ai pas les codes nucléaires.
Je ne sais pas pourquoi
je suis si triste
j’aurais peut-être sympathisé avec elle
je l’aurais aiguillée dans ses lectures
Ou je suis peut-être triste à cause de son âme
Et parce que pour elle je ne suis pas certain que
"True love will find you in the end"
Comme le chante Daniel Johnston.
C’est drôle cette histoire d’âme
parce que je suis abattu
à cause de l’âme de l’araignée
et pourtant les moustiques
je les éclate contre les murs.

vendredi 4 novembre 2016

La douceur envolée.

Quand je vois sur le boulevard
Un homme qui porte
Deux sacs chargés de provisions 
Pour sa mère très âgée qui avance péniblement à ses côtés
Cela me brise le coeur 
C'est quelque chose qui n'est plus à ma portée
Le genre de routine merveilleuse envolée pour toujours
Même si le fantôme d'un trajet
Peut revenir s'imposer
À tout moment de la journée
Et la douceur de faire les courses
Et la douceur de l'ordinaire
Et la douceur du superflu
Et la douceur d'une fois rentrés
Et la douceur de déballer et ordonner les provisions
Et la douceur du déjeuner
Et du retour, de nouveau seul,
Dans l'autre versant de la journée
Et de la Ville
Grise et lumineuse
Et puis je pense à autre chose
À rabattre la pointe de mon parapluie anglais
Pour ne pas qu'elle se perde dans les rayons
De cette jolie fille à vélo
Qui roule vraiment n'importe comment.
J'espère qu'elle zigzague moins dans sa vie
Comme nous tous pas certain.

samedi 22 octobre 2016

Week-end à la mer

Sur la promenade je croise 
Un homme qui dit à sa femme :
"Les allemands on est en train de les réarmer, je ne suis pas pour,
Sinon, on remet ça !"
Une fille qui a l'air sur le moment
Plus triste que moi en permanence
Et une grosse bonne femme blonde
Qui hurle sur son gosse
Parce qu'il dégringole d'une montagne de sable
Les enfants ont besoin de se dépenser
Je suppose
De la même manière qu'elle a sans doute besoin de hurler
Autour d'elle
Son manque de sexe et de rêves intacts
Je voudrais que la montagne se déplace
- après tout c'est du sable -
Et vienne s'effondrer sur sa grosse gueule ouverte
Si j'étais un héros de manga j'aurais ce pouvoir
Et la mer m'applaudirait
De son spectacle ardent et solitaire.

jeudi 6 octobre 2016

Caulaincourt

Rue Caulaincourt, un type louche m'aborde et me demande
si je suis du quartier.
Hum. J'imagine que quand on a vécu la plus grande partie de son existence à Paris, on devient de tous les quartiers.
Aussi, je lui réponds :
- À peu près, oui.
Sur ce, il me demande si je connais des associations caritatives dans le coin.
En somme il me demande de l'aider à trouver quelqu'un qui pourra l'aider.
Les gens aiment se compliquer la vie.
Je prends ça à la blague maintenant mais sur le moment ça me fend le coeur cette histoire
Si j'étais suffisamment riche, je veux dire sans crainte immédiate des lendemains, je lui filerais un billet. Pas sûr que ça lui enlève son air louche, je connais des tas de gens riches qui ont un air louche.
Mais Paris aujourd'hui, tu ne peux pas faire cent mètres sans que quelqu'un te demande quelque chose. La misère est partout. C'est devenu une ville à checkpoints : ici la misère la plus totale, et là le luxe le plus extrême, le plus froid, et le plus aveugle (pour les touristes qui ne viennent plus). Si tu veux te situer dans un entre deux, casse-toi !
C'est comme dans la chanson française, il y a ceux qui vendent et qui ont les faveurs des médias ou du goût du jour, les nouvelles têtes de gondoles dont le destin ultime est que leur titre soit repris par une marque pour un spot publicitaire, et il y a ceux qui crèvent la dalle avec leurs projets dont au final tout le monde se contrefout un peu, et qui cherchent des subventions par-ci par là, comme le type louche de la rue Caulaincourt qui cherchait une association caritative. Il n'y a plus vraiment de middle-class nulle part. Ou alors c'est une middle-class de trois bouts de ficelle.
En terrasse du café La Butte, rue Caulaincourt, il y a une jolie fille dont la silhouette se détache sur le mur jaune de l'établissement. Elle boit un coca-cola et un connard de Taxi s'est garé en "warnings" devant et m'empêche de bien la voir. Cheveux coiffés en pièce montée, mignon petit chou au long cou enveloppé d'un grand manteau et d'une écharpe sombre.
Je traîne un temps dans ses parages
Comme un affamé de poésie.

lundi 12 septembre 2016

Élysées tristes.

Quand tu rentres à 22h en descendant l’avenue
Des Champs-Elysées
Et que tu vois ce qu’ils en ont fait
Avenue immonde pleine d’immondices
De fric et de misère partout
Et de joie nulle part
Une idée du luxe vide et matérielle
Sans aucune poésie
Totalement livrée aux pétrodollars
À tous ces types dans leur pousse pousse criards
et dégueulasses
Qui se croient les rois de la fête
Et qui réservent à Paris le même sort
Que les radios ont réservé à la pop et à la chanson française
Vide puissance vide
Rien à en retenir
et que, te disant que Paris n’existe plus
Que c’est foutu
Tu te laisses tout de même envelopper
De l’autre côté du pont de la Concorde
Par le calme et la beauté du boulevard Saint-Germain
Auquel tu as donné
Tant de fois depuis tes 19 ans
Ton souffle
Ton coeur
Ton âme.

My own private black swan

I had my no sleep face for breakfast
Spoons tournament and black coffee
The lady told me about a picture
I took three years ago
Of her and a french actor she liked.
She thanked me again and again,
- starting on the boiled egg machine,
checking the level of the waffle mixture -
like I was an important part of the whole picture
although I wasn’t on it.
I was polite and smily but my heart
was full of clouds and fresh memories
you can’t capture with a camera.
Would you like anything to eat ? she said,
in the empty place filled by dawn
No thank you, I replied, I had
my no sleep face for breakfast.
All was quiet and quiver anyway
since the day before this one
I was expecting something
Sweet and spectacular.
Something
sweet
and spectacular,
Like two hands dying to meet again
By surprise
In the dark.

dimanche 11 septembre 2016

Jamiroquaï

Hier soir entre deux verres
Cocktails affreux et sucrés dont je n’ai retenu 
Que la composante : Vodka
Elle m’expliquait comment 
Selon elle
Je devrais faire pour obtenir davantage de notoriété
De pouvoir, que chacun de mes projets se fasse
Plus facilement, reçoive des sous, des subventions,
Que les producteurs soient toujours avides
D’un de mes scripts ou d’une de mes idées
Que les directeurs artistiques défendent mon texte jusqu’au bout
Même s’il est très bon
Et blablabla
Et tout d’un coup je lui dis : Jamiroquai.
Pardon?
Oui, Jamiroquai. Il en a eu
De l’attraction et de la notoriété
Et aujourd’hui tout le monde s’en tape
De Jamiroquai.
Tiens, depuis combien de temps n’as-tu pas entendu le mot :
Jamiroquai.
Elle m’a regardé,
Comme on regarde les êtres qui vous procurent un léger malaise
Avec une sorte de peur
et de fascination mêlée
Peut-être qu’elle se demandait
Quelle touche je pourrais avoir
Avec les étranges chapeaux que portait
Le chanteur de Jamiroquai
Et peut-être même qu’elle allait me dire comment faire
Pour que je puisse facilement me procurer
Ce genre de chapeaux
Et aussi qu’elle s’imaginait sortir à mon bras
Le jeudi soir - qu’elle préfère au samedi soir, pour sortir -
Elle, dans sa petite robe affriolante,
Et moi, avec le chapeau de Jamiroquai
Sur la tête
Mais elle a vu quelqu’un qui travaille avec Christophe Maé
Et m’a planté là
Pour aller lui parler.

samedi 10 septembre 2016

Fifteen subway stops from the hill

She was standing at the bottom of Odette’s restaurant
Five fireworks of feelings collide with me at the same time :
A Meteor of elegance, 
A sad sample of paradise,
A hunt injury far from the hounds, 
The scattered beads of desire,
And the deep gash of tenderness.
I was wondering where she went when she left the place
Is there anybody out there for her ?
Across the bridge,
In the Muslim quarter with the dummy heron
Or at a distance of fifteen subway stops from the hill
Is there anybody smiling in her thoughts
And calls her pure beauty
When I am standing there
At the bottom of nowhere.

vendredi 9 septembre 2016

En soirée / Foutre le camp

Quand
En soirée
L'un des types de la boîte
Te prend en aparté pour te dire
Que dorénavant le fumoir
Se situera dans la salle à côté de l'entrée
Alors que tu ne fumes plus
Depuis 1999
Il est temps
De foutre le camp.

mardi 30 août 2016

La boulangerie

Je regrette tellement d’être entré dans cette boulangerie
Un lundi là 19h30 
Déjà quand vous mettez les pieds dans une boulangerie 
où vous êtes le seul client
J’aime mieux vous dire que c’est mauvais signe
Et la fille à la caisse dès qu’elle m’a vu entrer
à commencer à m’énumérer 
de manière théâtrale
ce qui lui restait comme pains
Elle me racontait ça 
comme si elle était Marlon Brando
qui joue Jules César dans le film de Joseph L. Mankiewicz
J’ai choisi une baguette qui m’a semblé la figurante la plus aimable
dans tout ce cirque orchestrée par la boulangère
Puis je l’ai vue passer ses mains dégueulasses
dans ses cheveux dégueulasses
deux fois de suite
avant de s’emparer du pain
sans mettre des gants ou quoi que ce soit
je suis sorti de là complètement dégoûté
Je suis peut-être un peu snob 
- carrément ! -
mais c’était hors de question que je touche à ce pain
même si c’était la dernière baguette disponible sur terre
après que la fille ait essuyé dessus 
ses mains dégueulasses
pleines de filaments de cheveux dégueulasses.
Alors j’ai cherché les canards
J’en avais vu dans le coin
près des bateaux
une famille canard qui se faufilait à côté des bateaux hier vers 16h30
Même que j’avais regretté de n’avoir pas un morceau de pain avec moi
Là j’avais ma baguette
alors j’ai cherché les canards
Je sais l’intention n’est pas très louable de vouloir leur refiler ce pain dégueulasse
mais les canards je crois qu’ils ne font pas trop attention
à partir du moment où tu acceptes de manger du pain mouillé,
qui a trempé dans l’eau,
tu ne fais pas trop attention à l’histoire du pain dans les mains de la boulangère poisseuse
alors j’ai commencé à faire le tour des bateaux
scrutant chaque petite plate bande d’eau à la recherche des canards
et les canards n’y étaient pas du tout
Juste des types et des familles entières sur les pontons de leurs bateaux de plaisance
qui me regardaient m’approcher 
avec curiosité ou sympathie,
ils pensaient que j’étais invité chez quelqu’un
un des bateaux voisins
et que j’apportais le pain pour le dîner.
Il y a même une fille qui m’a fait signe de la main
Elle portait un pull marin, et une queue de cheval,
le genre de jolie blondes qui s’agite toujours dans les tribunes
quand l’équipe de hand ball du Danemark dispute un match
Elle pensait que je venais dîner chez elle
à cause de la baguette
à cause de l’histoire du pain et des canards
mais en fin de compte je m’aperçois que je vais rarement dîner chez les gens
pour la bonne raison que je ne sais jamais à quel moment partir
c’est toujours très embarrassant
il y a un moment où vous voudriez partir de dîner chez les gens
disons vers minuit trente
minuit si vous êtes en métro
mais c’est toujours au moment où il y a quelqu’un pour trouver quelque chose d’intéressant à dire
- entre minuit et minuit trente -
un début d’histoire, une anecdote qui vaut vraiment le coup,
et je n’arrive jamais à saisir l’intervalle dans lequel il y a une porte de sortie
ou alors c’est trop tard et il y a un des deux éléments du couple qui vous reçoit
qui se met à bailler de manière théâtrale
- la fille joue mieux, c’est + délicat -
ce qui est vraiment embarrassant
alors j’essaie toujours d’emboîter le pas à d’autres invités
que je repère dès le début 
pour leur capacité que j’imagine à être des as du savoir à quel moment partir
ou mettre les voiles (si vous dinez sur un bateau)
sans qu’il y ait d’embarras
aussi quand je suis invité seul c’est un véritable calvaire
alors je vais de plus en plus rarement dîner chez les gens
Et si la maîtresse de maison,
ou une amie qui, d’aventure, se rend à ce dîner
me croise par hasard pendant que je fais les cent pas dans le quartier
je baisse les yeux, 
détourne le regard,
et je guette toujours une étendue d’eau
une flaque peut très bien faire l’affaire
et je me mets à chercher
avec toute la bonne conscience du monde
et ma baguette imaginaire sous le bras
la famille des canards.

dimanche 28 août 2016

Sur Paris !

Les gens ont
tellement pris
l’habitude
de se marcher
les uns sur les autres
pour exister
que ça y est
maintenant
c’est entré dans le langage courant
ils disent :
sur Paris
« Tu habites sur Paris ? »
« on se verra quand je serai sur Paris »
alors qu’à moins
de se donner rendez-vous
sur un cheval
de carrousel
on ne dit pas
« sur Paris »
mais
« à Paris ».
Un jour
les chevaux de carrousel
se détacheront
des derniers manèges en ville
on les trouvera gisants
au bord des quais de Seine
ou dans les derniers rêves
ceux des lueurs de l’aube
et même s’il y avait
une sorte de vestiaire obligatoire
où il faudrait chausser des ballerines
avant de se retrouver
« sur » Paris
Ça craquerait de toutes parts n’est-ce pas ?
L’agressivité fleuve
Les périodes de la vie qui ne communiquent pas
Les deux versants de la rencontre
Et la beauté des choses
livrée à l’incompétence des gens.
Ton coeur est-il du bois
dont sont faits les chevaux de carrousel ?
Je m’en veux d’être si fragile parfois
Tout ce que l’on vit se détache de nous
encore pour un tour.

mercredi 24 août 2016

En plein milieu de l'après-midi.

Je me rase en plein milieu de l’après-midi
parce qu’il fait trop chaud pour faire autre chose
et je préfère garder le temps habituel de se raser, 
où il fera plus frais, pour écrire.
Je pense à mon père que l’on peut compter
parmi les victimes de la canicule de 2003
même s’il est parti en septembre.
en août, les types de l’hôpital l’avaient ramené à la maison
sans doute parce qu’il y avait trop de monde là-bas
services, couloirs et personnel, débordés
pas vraiment préparés à affronter la canicule, en 2003.
Alors ils avaient installé le lit de mon père dans le petit salon télé,
là où tant de fois il avait bondi de son canapé
pour suivre et s’exalter à un match de tennis,
de foot, ou à un meeting d’athlétisme.
Maintenant il était cloué,
avec ses tuyaux, sa gorge perforée,
les fils qui lui sortaient des bras
et les maintenaient à l'armature du lit,
dans les starting-block de nulle part.
Ils avaient dit à ma mère de ne pas s'inquiéter,
une fois l’infirmière partie.
Ce soir-là, je n’étais pas rentré chez mes parents,
j’étais à Paris, encore à travailler sur un de ces projets
improbables, dont vous espérez tant et qui au final
ne vous rapporte que des cacahuètes
et qui implique tous ces gens qui en ont rien à foutre de vous faire bosser dans le vide
à chaque fois
j’étais dans ce travail dérisoire
laissant ma mère seule avec le retour de mon père en pleine canicule
et la nuit avait été insupportable
parce que mon père avait commencé à délirer
il racontait qu’il y avait des formes invisibles qui voulaient venir l’enlever
et lui n’était pas du genre à se laisser emmener comme ça
par des ombres qui déboulaient des murs et du plafond,
et ma mère, réveillée dans l'effroi,
avait passé la nuit à essayer
de le stabiliser, de le maintenir,
la nuit à lutter contre sa force démentielle qui tentait de briser
les entraves qui le maintenaient allongé
pour en découdre avec ces formes monstrueuses,
ma mère qui luttait pour que les tuyaux attachés à mon père
ne s’emmêlent pas ou ne se détachent pas d’un trait
dans cette chaleur qui ne retombait pas avec la nuit.
Dès l’aube,
à bout de forces et de nerfs,
elle a appelé l’hôpital
et ils sont venus le chercher
voyage retour en ambulance
le grand luxe
ils ont trouvé de la place malgré les dizaines de personnes qui affluaient par jour en raison de la canicule
et puis il y est resté jusqu’à son grand départ
apaisé je crois
en septembre.
Je pense à tout ça pendant que je me rase,
en plein milieu de l’après-midi,
parce que je veux penser à autre chose quand j’aurais la tête froide,
quand il fera plus frais,
quand je n’aurais pas le visage badigeonné de mousse blanche
pour ne pas que m'atteignent
où que je m’allonge après
auprès de toi
auprès d'une autre
ou auprès de personne
les spectres de la canicule
qui sont venus harceler mon père
alors qu’il était si heureux
d’échapper à l’hôpital
et de rentrer à la maison.

jeudi 4 août 2016

Hope

L’important n’est pas
De rentrer tôt
Ou tard 
Mais du moment déjà
Qu’il fait nuit
Et qu’à l’arrière
La voix de Hope
Sandoval
Sur le dernier titre de Massive Attack
Remplace ou exécute les mots
L’instant n’a plus de limites
Plus de bord
Ni d’attaches
C’est comme une barque
Lancée d’un regard
Sur l’océan tranquille
De la fascination.

samedi 30 juillet 2016

Septembre avec impatience.

Pendant plus de dix ans
j’ai eu peur de l’été
depuis la mort de mon père
avec ma mère seule dans la grande maison
des Yvelines, 
seule tout l’été,
avec les voisins qui partaient en vacances
et Dieu sait ce qui pouvait arriver
un rôdeur, un opportuniste
assassin en puissance
au moment où le soir elle aurait fermé ses volets
et fait un tour dans le jardin
ou bien un démarcheur à la noix qui
la découvrant seule
en aurait profité pour forcer la porte
le monde ne m’a jamais inspiré confiance
seules les histoires d’amour à vrai dire
ont pu m’inspirer confiance
si mince ou si éperdue que fût cette confiance
et face à l’été, chaque jour de cet été
immense et incertain
périlleux pendant dix ans,
je craignais pour la vie de ma maman.
Aujourd’hui, débarrassé de cette peur inouïe,
irrationnelle sans doute
et que je cachais pourtant du mieux possible
respirant seulement de six heures trente à six heures quarante
le temps de lui téléphoner
même si parfois je trichais en la rappelant plus tard sous un prétexte futile
apaisement de la tricherie
l’été donc, aujourd’hui,
l’été qui se profile
ou qui se modifie
ne me fait ni chaud ni froid
reste quand même l’habitude étrange
d’attendre septembre
avec impatience.

mercredi 27 juillet 2016

La crêperie Saint-Georges.

Les yeux bleus de Juliette
de la crêperie st-georges
À Carnac
Rivalisent en beauté
Avec la voix rauque
De sa jeune et brune
collègue
Dans ces cas-là
Comment prendre une crêpe
Autrement que nature
S'il vous plaît mesdemoiselles
Sans garniture sinon
votre présence.

mercredi 20 juillet 2016

Jusqu'où ses jambes nues

Jusqu'où ses jambes nues
Courent encore
Sur quelle portée du désastre
Quel rêve apparu 
Disparu 
Et quelle nuit rejoindre ?
Les couples mal assortis
N'en ont plus pour très longtemps
Bientôt ça laissera
juste un peu d'amertume
De tendresse posthume
Et les filles seules se rassemblent
Aux terrasses des restaurants
Et tout ce qui conduit une automobile
Se croit seul au monde
Seul au monde dominant
Si tu voyais comment les gens
Se laissent dominer par leur rage
Bientôt les romans
Les poèmes
Seront les seuls endroits
Où tu te sentiras vraiment
En sécurité
Alors ravale tes larmes
Ravale ta nuit
Ravale ton cœur qui bat
Dans la cour carrée du Louvre
Dans la perspective de ces longs couloirs
Où Henri 4 chassait le renard
Où l'ombre du renard dévore la couronne des dominants
Dans ton cœur pour toujours.

mardi 5 juillet 2016

Wagner

Cette fille était spéciale,
démoniaque, colère,
une véritable furie !
- Normal ! T'as vu la plaque ?
"Richard Wagner 
vécut ici."

samedi 2 juillet 2016

La médiocrité.

Avec son compagnon, elle entre dans la rame
Une jeune parisienne jolie sans être belle
Enfin suffisamment pour mettre sur Instagram
Un coucher de soleil pour neuf photos d’elle.
Son compagnon, un grand type, joue de la guitare
Elle se met à chanter seule au milieu des gens
Récoltant pour tribut quelques maigres regards
Alors le sien devient insistant voire méchant
Non loin, deux petites vieilles sur une carte penchées
Elles se demandent encore où elles doivent bien descendre
Annonce du conducteur : la station est fermée !
- Quelle station ? » paniquent -t-elles, elles n’ont pas pu entendre
La chanteuse se croyait déjà à l’Olympia
Elle inondait la rame de ses reprises pourries
Massacrant « Amsterdam » ou essorant « Happy »,
Avant de faire la manche comme une vraie Diva
Or, au moment où elle passe pour réclamer son dû
Une des vieilles intervient : - Mademoiselle
Avec votre musique on n’a rien entendu ! »
- Comment ça ? » dit la fille jolie sans être belle,
« Vous ne voyez pas, qu'avec mon copain on est en train de travailler !?! »
Et elle se met à hurler sur les pauvres mamies
« On est en train de bosser espèces de vieux débris
Apprenez le respect ou restez dans vos lits ! »
Complètement mortifiées les deux vieilles sortent
À la station suivante toujours sous les insultes
De la jeune chanteuse peu amène ni accorte
Qui croit que son « travail » lui donne droit au tumulte
Ça me fait réfléchir cette histoire de travail :
Personne ne lui a rien demandé à cette pauvre fille
Mais c’est le lot de l’art on sort son attirail
À des gens qui vivraient très bien sans vos conneries. 
Le pire c’est que l’avenir est à ce genre de meufs
On les voit avec des contrats de disques, on les voit à la télé,
Pour des marques de fringues elles chantent dans des teufs,
J’ai même quelques exemples qui me viennent en pensées.
Promotion ordinaire pour la médiocrité
C’est triste mais après tout qu’est-ce que l’on peut y faire ?
Parfois pour réussir il est recommandé
De sa petite personne d’écraser l’univers.

vendredi 1 juillet 2016

La mélancolie de la nuit.

Depuis la mort de mes parents
je trimballe un sac US invisible
rempli de moments invisibles
lourds comme l’invisible
comme des plages jonchées de couteaux
que survole une mouette solitaire
des arbres et des moments
la cueillette des mûres le dimanche
ou quand je soulageais les deux pommiers du jardin de Marsinval
de leurs fruits à moitié bouffés par les oiseaux
les courses, les provisions pour faire plaisir,
ou quand j’habitais déjà Paris et que je rentrais à la moindre angine
comme si seule la présence de ma mère pouvait me guérir
Il y avait la mélancolie de la nuit
les filles prisonnières du palais des glaces
les débuts de romans que j’écrivais sur des carnets
tandis que le métro aérien brinquebalait dans le vent
ma mère disait que j’étais une sorte de roi
parce qu’elle constatait que ça faisait toujours plaisir
aux gens qui me connaissaient de me croiser par hasard
Dans les soirées pourtant j’oubliais ma couronne quelque part
je n’avais jamais peur de la nuit
du moment que j’avais un endroit où rentrer
une destination ou un visage en tête
aujourd’hui parfois encore me vient le réflexe
de téléphoner vers 18h30 à un numéro
qui n’existe plus
Je n’ai ni soeur ni frère avec qui retrouver un moment
et je pourrais adopter tous les mômes en pleurs
à la caisse centrale des supermarchés
pour qui l’attente de quelques minutes de trop
est une blessure éternelle
Une force irrésistible me pousse en avant
et je suis si égoïste envers les gens que j’ai perdus
si négligent
je remets toujours à demain
la douce épreuve de me pencher sur hier
et je continue à remplir
de moments invisibles
un cartable invisible
lourd comme l’invisible.

Le chat.

Le chat de la voisine du premier
n’arrête pas de miauler
j’ai juste envie de descendre et de défoncer la porte
à coups de stylo 
(je n’ai pas de hache à la maison)
Et de sauver le chat
du manque de chaleur humaine
c’est quand tu apprends que tu peux sauver des gens,
que tu deviens adulte
mais quand tu comprends que tu ne peux pas sauver tout le monde,
tu redeviens un enfant.
LIFE SUCKS, étrange, quand tu y penses.
Trop étriquée ou trop vaste,
jamais à la mesure de ce qui bat avec ton coeur,
alors tu ne peux qu’habiter des espérances
et travailler à des ajustements.
MIAOU.

jeudi 30 juin 2016

Lessivé

Je suis vraiment lessivé
Mais si je m'assois
Je perds la perspective
Sur sa silhouette
Je veux retenir son visage
Le plus longtemps possible
Le plus longtemps
Possible
Le plus
longtemps
possible
La vie qui l'attend
n'a rien à craindre de moi
Un souci ou la rue
Diluera cet instant
Où me tenir près d'elle
A valeur d'univers.

Hermès aux pieds ailés

Elles s'en tamponnent pas mal
du Brexit les deux chinoises
En tailleur marine dont les sandales
Piquées de brillants
Claquent sur l'asphalte.
Pourtant elles font un tel raffut
Pour se précipiter chez Hermès
Que j'ai cru un instant
Que les Horse Guards défilaient
Rue de Sèvres.

mercredi 29 juin 2016

"Surtout pas de chanson d'amour !"

Quand une chanteuse insiste,
mais réellement insiste
- oh on peut bien se marrer, même dans un poème -
pour travailler avec moi, 
et que je me tape un rendez-vous 
en présence de son manager à l’autre bout de Paris
et que je m’entends marteler : "Surtout pas de chanson d’amour",
je pense toujours à Amy Winehouse,
et j’ai envie de répondre à cette fille :
« Tu crois qu’elle parle de quoi, Amy, dans ses chansons ?
Dans Back to black, dans Love is a losing game, dans Tears dry on their own,
oui, de quoi ? dis-moi ?
et toi qui n’atteindras sans doute jamais
ni la notoriété ni la force d’attraction
pas plus que la puissance intimiste
d’Amy Winehouse
tu me fais traverser Paris pour me dire :
Surtout pas de chanson d’amour.
Mais, voyons, reste dans ta misère,
et ne m’inclue pas dans tes vains désastres
De toute façon, tout n’est qu’une chanson d’amour
et la conquête de l’ouest
et la possession de l’autre jusqu’à la perte de soi
et le dernier souffle comme le premier soupir
Puisque seule une chanson d’amour
permet de se tenir
au-dessus
de la fatigue de tout.

mardi 28 juin 2016

Rue de Buci

Le tapage de la rue de Buci
Les amplis portatifs
Qui diffusent leurs daubes
Et les couples lascifs 
Qui mangent du poisson douteux
Et tous ces types qui parlent fort
Comme si les bienfaits de leur conversation
Devait porter jusqu'aux étoiles
Et tous ces connards dans leur pousse pousse à pédales
Attrapes touristes
Et la lumière du boulevard Saint-Germain qui disparaît par degrés,
Bientôt elle n'aura pas plus de valeur que le mystère que tu encoures
À t'endormir loin de moi
Et les sirènes du Samu et des pompiers
Qui me paraissent toujours plus fortes,
Infernales mêmes, depuis les attentats
Et ce type qui jette des miasmes de regards imbuvables à la fille avec laquelle il partage son deuxième litron de champagne en terrasse du Flore, à moins d'un mètre des roms qui ont colonisé le quartier et installé leur matelas
devant la librairie L'écume des pages, et qui, place de la Croix Rouge, jouent sur un transistor perrave la même musique perrave que tu entends dans nos métros perraves
Et quelle vie pour les enfants ?
Et avec quelle nouvelle dégueulasse nous réveillerons-nous demain ?
Avec quelle nouvelle habitude nous faudra-t-il pactiser ?
Et où ira voguer le souvenir des amours un peu fous, dérangés,
Qui n'ont jamais su se fixer
Ni dans le temps ni dans la mémoire
Alors, dans la misère
Aveugle à sa misère
Qu'est devenue Paris,
Cette jolie fille sur son vélo,
Ma seule échappatoire.

lundi 27 juin 2016

La librairie

Je rêvais de m’acheter
un livre (format poche)
parfois se mettre en route pour acheter un livre
c’est mieux qu’une après-midi à la fête foraine
ou mieux que se loger dans l’encombrement délicieux d’une file de cinéma
Donc un titre précisément
et après une ou deux librairies où ce titre ne se trouvait pas
voilà que je me dirige vers cette autre librairie, du quartier, qui
ressemble à une bijouterie
impossible d’y entrer,
je ne me sens pas à ma place avant même d’en avoir franchi le seuil
Même si j’ai vécu toutes mes années étudiantes dans ce quartier
Même si j’y habite à nouveau aujourd’hui, avec bonheur,
même si ce quartier est mon ADN pour ce que j’y ai vécu,
le temps que j’y ai passé,
je n’ai pas envie d’entrer dans une librairie qui ressemble à une bijouterie
j’ai vécu de 0 à 7 ans dans le 92, dans une banlieue modeste,
et je suis resté l’enfant des banlieues modestes,
le vrai luxe pour moi se situe à un autre niveau
qu’une librairie qui ressemble à une bijouterie
c’est quoi ces conneries ?
Une librairie ça doit être convivial et chaleureux,
ça ne doit pas vous faire ressentir d’être un exclu ou un privilégié,
et un roman qui serait un bijou a toujours l’apparence de la plus grande simplicité
« L’homme hilare », une nouvelle de Jérôme David Salinger, qui est un bijou,
a l’apparence de la plus grande simplicité,
elle peut être lue par tout le monde, et continue à briller une fois que vous l’avez lue,
un bijou ce n’est pas que l’aparât, le style, le style sans coeur, ça ne vaut rien,
du moins, c’est à la portée d’un peu de travail,
ça me tue qu’il y ait des librairies dont je reste en dehors alors qu’elles pourraient contenir
le roman que je voudrais lire pour que ma journée soit réussie
mais je fuis les lieux où je ne me sens pas à ma place
je fuis les êtres qui me font ne pas me sentir à ma place
c’est un des rares trucs qui me plait dans le fait d’être adulte
la possibilité de foutre le camp quand on se sent en dehors
ce qui n’était pas en mon pouvoir
quand j’étais enfant
Je dis ça et pourtant aujourd’hui encore
Je reste parfois dans des fêtes ou des événements qui m’ennuient
par politesse
Mais cette librairie qui ressemble à une bijouterie
c’est vraiment pas possible
comment voulez-vous que des jeunes gens s’attachent à la lecture
et c’est quoi la prochaine étape
un service voiturier devant leur librairie ?
De toute façon je me souviens que dans cette librairie
quand j’ai commencé à écrire des livres
ils commandaient toujours un seul ou deux exemplaires de mes romans
qu’ils cachaient bien dans les rayons sous les tables
et si un de leurs clients avait, par surprise,
en se baissant pour refaire un lacet,
l’idée de prendre le seul exemplaire de mon livre qu’ils proposaient,
ils n’en recommandaient jamais après.
C'est valable à d'autres domaines
mais je crois qu'il faut s'en foutre
de n’être pas la priorité
de gens chez qui
on ne met jamais les pieds.

dimanche 26 juin 2016

Regret et tortillas.

Je regrette
de m’être jeté
sur ce paquet 
de tortillas chips
pour seul dîner
la dernière fois
que j’ai commis
l’irréparable
c’est quand j’avais 
susurré je t’aime
à l’oreille de cette fille
pour la seule raison
qu’elle m’avait
dévoré des yeux
comme si rien d’autre
n’avait d’existence
je m’en suis voulu
avant et après
comme lorsque je dévalais
une par une
les tortillas chips
de ce paquet
Plus rien n’a d’importance
l’amour c’est de la gloutonnerie
on se mange des yeux
on se dévore du regard
ni la faim ni la soif ne se font sentir
il n’y a que le corps de l’autre qui étanche tout
jusqu’à ce qu’on le traverse
comme un miroir
Sans brisures autres
Qu’intérieures.

samedi 25 juin 2016

25 pizzas

Une fête réussie selon une jeune fille d'aujourd'hui : 
- 25 pizzas
- De l'alcool. 
Et aussi, interviens-je, un ou deux beaux mecs, peut-être. Beaux, ou du moins, captivants...
Oh non, balaie-t-elle,
ils n'ont pas besoin d'être beaux
Ni captivants
Du moment qu'il y a
25 pizzas
Et de l'alcool.

jeudi 23 juin 2016

Moving day

Ce n'est jamais l'absence
De celui que j'aime
Qui met de l'ordre 
Dans mon visage
Dit-elle en décrochant
Le dernier miroir
De l'appartement.

mercredi 22 juin 2016

Deauville-Paris

Le train file à la vitesse de l'orage
Et par-dessus le tissu mauve d'un siège lointain j'aperçois sa coiffure sage
Et ses deux sourcils qui se dressent
Comme si elle aussi était au bord de m'apercevoir
Ou qu'elle se dissimulait pour confirmer
Ou affiner
Une impression
Elle est dans le sens de la marche
Et moi dos à ce qui survient
Comme souvent
Paris m'attend au loin
Cela me rend confiant et calme
Mais je le jure si l'orage
Démêle sa chevelure sage
Je tire la sonnette d'alarme.